Journal de bord #13

Le passage du Cap Horn


Message de Marie

« « All station, this is Passage Guardian Radio calling, Pen-Duick VI & Translated 9, do you copy ?
– Passage Guardian Radio, this is Pen-Duick VI: copy you loud and clear, I’m standing by.
– This is Passage Guardian Radio, severe weather alert, gale warning for the area 53 to 60S, and 81W to the shore. Low pressure 946 hp . Wind NorthWest to North, 40 to 50 knots, gust 80 decresing east of the area to 30 35knt, gust 50.
Pen-Duick VI Transleted 9, did you copy all of it?
– …….. …….. Aoutch. »

C’est donc par ces mots que Peter, notre ange gardien Kiwi grâce à qui la flotte obtient un minimum de météo par BLU, prévient les deux bateaux en tête de la flotte : Transleted 9 et Pen-Duick VI.
Tout comme l’indien, le Pacifique fut très clément avec nous.

Les deux premières semaines furent un peu lentes, assez déstabilisantes même, loin de ce que nous avions imaginé du Pacifique. Mer plate, soleil, un décors limite monotone même si loin d’être monochrome, bateau qui file droit à 9,10knt, mais où il ne se passe pas grand chose, avec cette fâcheuse impression de revivre encore et encore la même journée. Anticyclone quand tu nous tiens… A cause des marques de passage obligatoire, impossible de descendre aussi Sud que nous le souhaiterions. Un peu bizarre d’être avec le reste de la flotte après 12 jours de course mais comme sur les 2 autres étapes on a vu qu’il ne fait pas bon d’être loin en tête, ce n’est peut être pas plus mal de changer de tactique ! Nous nous concentrons donc pour bien faire avancer Pen-Duick VI dans des conditions où il se débrouille bien mais qui ne sont pas son point fort, et où le reste de la flotte est tout aussi rapide.

Ce n’est qu’à la longitude du point Nemo ( là où les êtres humains les plus proche de nous sont ceux de la station spatiale…. Mais aussi là où l’on balance les satellites en fin de vie ) que nous commençons à faire le break avec le reste de la flotte. Pour la petite histoire, nous n’aurons jamais vu autant de bateau que sur ce point si isolé, croisant deux concurrents de la Global Solo Challenge, deux cargo et Transleted 9 en 24h.

Nous nous tirons donc la bourre avec les italiens de T9, vainqueur de l’étape précédente. Vittorio Malingri n’est plus à bord, mais le bateau n’en est pas moins rapide, et Nico Malingri, fils de Vitto, sait parfaitement l’employer. Une navigation agressive, les écoutes dans les dents, Nico n’a que 32 ans mais déjà un sacré bagage maritime. En plus d’avoir tous les deux un fort esprit de compétition, nous partageons le poids de la responsabilité d’un héritage familiale, la famille Malingri étant des pionniers en matière de navigation en Italie.
Sans aucun doute, Nico est tout aussi obsédé de battre Pen-Duick VI que je le suis de battre T9. Nous fêterons le vainqueur ensemble à Punta : amis à terre, meilleurs ennemis en mer.
Alors nous nous taquinons. Waypoint n°3 : A la nuit tombée, j’aperçois au loin leurs feux de tête de mat. Impossible de résister de leur passer sans prévenir à la VHF la musique du bon, la brute et le truand, histoire de leur mettre un petit coup de pression qui les fera sourire.

Puis vient cette vacation de Passage Guardian où : le sens du timing.
6 mois que nous sommes en course, et pas une seule dépression un peu velu. Il faut que nous arrivions au Horn pour que nous recevions notre première belle cartouche. En même temps, si nous avions passé le Horn par pétole, nous aurions été frustré, alors profitons. Nous ne serons pas déçu, cette dépression nous offre la splendeur du Sud : des vagues de 8 à 10 mètres, des lumières perçantes, de l’eau grise, verte, bleu nuit ou blanche selon les heures, de la houle souvent croisée, quelques fois organisée, le vent qui décolle l’eau des vagues et qui dessine de grandes trainées blanches, de l’écume partout, des dauphins un brin téméraire, des surfs à n’en plus finir, quelques manœuvres un peu chaude, et enfin à 05H30 UTC ce mardi 06 février, le phare du Cap Horn nous appelle à la VHF pour faire leur traditionnel contrôle. Les portes de l’Atlantique nous sont ouvertes, autorisation de refaire du Nord accordé: Il est temps de laisser le Grand Sud et les Albatros derrière nous. Le jeux n’est pas fini, les dangers sont toujours présent, la course loin d’être terminé, il ne faut pas se relâcher. Mais quand même, ce bel équipage est maintenant Caphornier….

 

 

Je dois donc honorer ma promesse : percer l’oreille de Franck qui voulait son anneau au Horn de la main de son capitaine. Franck qui il y a 2 ans n’avait quasiment jamais barré un bateau, se retrouve Caphornier à bord de Pen-Duick VI, et est au passage l’un de mes meilleurs barreurs.
Cette première journée au large de la Patagonie me replonge 20 ans en arrière, le souvenir d’une croisière avec le VI au large d’Ushuaïa dans le canal de Beagle, là où le ciel est d’un bleu iceberg, ce bleu unique que je retrouve ce jour.

Lui et moi commençons à avoir dessiné quelques lignes sur la planisphère, et nous voici maintenant caphornier ensemble 😉

Marie

Au large des Falkland »

 

Suivez Marie et l’équipage du Pen Duick VI sur la carto : https://oceangloberace.com/fr/livetracker/


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